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Le centre de l'univers chabrolien
La montagne biblique d'un côté, la mine de l'autre - Clerguemort se situant au milieu et en assurant la fusion - forment les deux pôles de l'univers chabrolien, qui se complètent et se fécondent réciproquement. Les mineurs cévenols sont les dignes descendants des camisards, dont le souvenir hante les veillées et les conversations :
" Les jeunes gens étaient subjugués, le chevrier recueilli. Chacun d'eux savait assez de l'histoire des Cévennes pour voir se dresser dans les poudreux rayonnements les hallucinants fantômes camisards, pour voir, fondant des pics, dégringolant par les déserts au flanc des rancarèdes, les hordes impitoyables de ces guerriers pires que des hommes, les enfants cévenols, squelettes nourris de Bible, hurlant sans fin "Miséricorde !", brandissant la moisson mouvante, étincelante, des lames affûtées sans fin, crevant sur le pauvre petit pays comme la colère même de l'Eternel des Armées, les sauvages enfants que rien n'arrête... " (L.R., p.203)
Dans cette vision du monde, sans doute un peu romantique et un peu manichéenne, la montagne et la mine forment deux mondes mystérieux, à la fois antinomiques et faits pour se rencontrer, deux mondes excessifs, sans limites, extraordinaires au sens littéral du terme, expression du ciel et de l'enfer, mais accoucheurs tous deux de grandeur humaine, d'une grandeur hugolienne :
" À même le ciel, à hauteur des derniers rapaces, les derniers survivants de la première race du monde, sur les sommets, les pâtres. [...] Sur les pics, des Moïse, des Abraham tutoyeurs de l'Éternel. [...]
Il y a encore des hommes sous la terre, les mineurs, mais ils ne s'en trouvent pas plus bas, au contraire, plus ils s'enfoncent, plus ils s'élèvent. La hiérarchie remonte, en sens inverse. Les enfants unissent ainsi, instinctivement, dans la même ferveur, Philéas Fogg et le capitaine Nemo.
Le plus bas de l'échelle humaine reste toujours le niveau de la terre, pour celui qui n'en possède pas. " (L.R., p. 13). <- page 4 page 6 -> |
